Handi-Bateaux 2011
Ma première expérience à HANDI-BATEAUX
Belle journée ensoleillée, un petit temps parfait pour une sortie en mer, pas de vagues, un peu de vent.
Mais non, Yvon m'a sollicité pour participer à la journée handi-bateaux. Ca fait plusieurs années que j'y pense. La taille modeste de mon précédent bateau était un bon vrai prétexte pour me dispenser de cet événement.
Un peu d'inquiétude quand même. Comment vont se comporter mes passagers ? Quel sera leur niveau de handicap ?
Je ne suis pas un marin très expérimenté. Comment pourrais-je faire avancer le bateau sans bousculer tout le monde ? Au moteur ? Au génois ? Toutes voiles ?
C'est décidé : moteur et si tout va bien, je mettrai le génois : plus facile à déployer et à rentrer mais plus délicat en changement de bord. D'ailleurs où vais je placer les passagers dans le cockpit ? Près de la barre au risque de gêner les virements? Près de la cabine au risque de gêner les mouvements ? Au milieu avec les winchs...
Debriefing à 12h30 devant le centre de voile. Des vieux loups de mer, des novices, des petits bateaux, des gros, des moyens.
L'organisation est là, en cadrage et non pas directive. Les objectifs sont simples et adaptables à chacun. La sirène et comme vous pouvez. Yvon nous fait part des autres événements en rade. Pas de stress, le sachant, il suffit d'avoir une surveillance particulière.
L'inventaire des places disponibles est finalisé. Je confirme : de la place pour deux personnes.
Jean-Pierre nous rappelle les règles de sécurité, le bons sens, l'essentiel.
Je retourne au bateau, il est temps de déjeuner. Armelle qui m'accompagne dans la vie comme parfois sur le bateau m'attend. Pas trop de temps.
La sieste, ce sera pour une autre fois, les passagers d'un jour sont déjà devant le restaurant du Grand-Large.
Petit moment de flou : qui va avec qui ? Armelle après quelques hésitations monte la passerelle, je la suis.
Là haut : ils sont là, avec leur regard parfois vide, parfois impatient, parfois inquiet. Pas autant que moi. Et leurs handicaps. C'est ça aussi, c'est la vraie vie, un peu différentes des magazines. Sans les connaître, c'est leurs handicaps que l'on voit en premier. Dure la vie. Et pourtant, chacun de nous peut se retrouver aussi accidenté de la vie, comme eux, du jour au lendemain, sans préavis.
Armelle fonce : un groupe de trois personnes. Un homme debout, une femme dans une chaise, un accompagnateur.
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- « Vous avez déjà un bateau ? »
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« Non »
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« Bon, si vous voulez, on y va »
J'avais dit 2, on sera 3, Je ne sais pas trop comment je vais gérer la chaise roulante...Armelle part devant, moi aussi. L'accompagnateur a l'air en difficultés. L'homme debout a une foulée de quelques centimètres. Je repars en arrière et lui prends le coude ; on avance, doucement. Freddy est stressé, il a peur de tomber en descendant la passerelle.
L'accompagnateur descend Jenny sur la chaise, il connait son affaire. Finalement, le fait d'avoir un accompagnateur me rassure, je pourrais me dédier au bateau si nécessaire.
On nous trouve un fauteuil, Freddy s'y assoit et est amené au bateau. Ça va plus vite...
Le franc bord de mon Dufour 31 est très haut. Ils sont nombreux à donner un coup de main. Jenny n'est pas capable d'enjamber seule les filières,. Des mains les lui attrapent l'une après l'autre. Jenny se retrouve au milieu du cockpit, elle peut se tenir droite sans trop de calage.
Freddy, avec l'aide d'un marche pied qu'Armelle a eu la présence d'esprit de chercher auprès d'un autre bateau, atteint le franc bord mais du côté extérieur. Impossible d'enjamber. Comme pour Jenny, Chacune de ses jambes est transbordée sur le bateau, le corps suit...
Armelle fournit le petit coussin qui va bien et apporte de la crème solaire. Je prête une casquette pour Freddy. Jenny et Freddy ont mis sans difficultés les gilets. Ça c'est fait.
Je largue les amarres avec l'aide bienveillante de l'équipe de bénévoles restée sur le ponton.
C'est parti. Je prends le chenal, Il y a du monde...D'autres canots mais aussi le départ annoncé des régates. Pas top, les petits dériveurs tirent des bords dans le chenal. Bien surveiller, accélérer pour leur laisser la place de virer.
Jenny et Freddy semblent calmes et indifférents à l'agitation. Christophe, l'accompagnateur s'intéresse à tout. On continue. Je suis la flottille. Tiens, je pensais qu'il allait y avoir la foule autour de la sirène, il n'en est rien. La flottille se disperse naturellement dans toutes les directions. Tout va bien. Je sens que Christophe est très intéressé. On franchit la barre, ça bouge un peu, Jenny s'affole un instant. Freddy ne bouge pas. Christophe nous rassure, tout est normal, c'est même bon signe. Ouf !!!
Christophe aussi était inquiet, il est chargé de produit contre le mal de mer. Tout est calme, je lui confie la barre, il est surpris, tâtonne et s'approprie instantanément le bateau. Tout baigne.
On arrive à la sirène, Christophe évite les deux bateaux qui sont déjà là : impeccable. Jenny à nouveau s'énerve, se lève, veut voir la sirène. Petit moment d’excitation, Freddy reste calme, c'est bon signe. Finalement, tout est normal.
Le moteur commence à me barber. Je choisis un cap vers le Méridien : allure portante idéale pour le génois. Christophe barre comme un chef, je déroule le génois et j'arrête le moteur. Silence, juste le feulement de l'eau sur la coque le bateau avance gentiment. Bonheur.
J'échange avec Christophe sur le bateau, Freddy et Jenny goutent le soleil, se reposent, regardent, écoutent.
J'essaye de communiquer avec Freddy, son silence vaut satisfaction. Jenny s'exprime, des mots incompréhensibles pour moi, de même que son regard, mi-frénésie, mi-absence.
La route se passe bien, tout le monde est heureux. Mais il va falloir revenir. Je m'aperçois que nous sommes à la hauteur de Leffrinckoucke. Courant et vent dans le nez pour revenir...Nous devons tirer quelques bords pour rejoindre l'entrée du port. Armelle et moi aux écoutes, Christophe à la barre.
Le bateau navigue au près sous génois seul, tranquille, et efficace. Christophe sent bien le bateau. Il est aussi « à son beurre » comme on dit à Dunkerque.
J'entends sur la VHF que les copains sont déjà de retour, pas grave, nous sommes trop bien.
Ça s'impatiente sur les pontons, j'aide le génois avec le moteur. Nous sommes les derniers. Un comité d'accueil nous attend. Encore plus nombreux qu'au départ.
Jamais appontage n'a été réalisé avec autant d'aides. En quelques secondes, le bateau est en sécurité, immobilisé, amarré. Nos invités sont soulevés jusqu'au ponton. La chaise roulante est dépliée. Même pas eu le temps de quoi que ce soit.
Nous rejoignons le groupe au restaurant « Le grand Large ». J'arrive à avoir un T-shirt pour Jenny et Freddy. Jenny s'y accroche comme à une relique. Freddy l'admire comme la septième merveille du monde, ils sont heureux.
Comme quoi, le bonheur, ça tient à pas grand chose. Quelques heures en bateau, un T-shirt.
On se quitte, satisfaits les uns les autres de cette belle journée.
Christophe nous remercie. Je le remercie aussi, sincèrement. J'ai beaucoup découvert sur cette rencontre.
Je ne suis pas sûr que ceux qui ont reçu le plus, soient ceux auxquels on pense.
Merci à Jenny, Freddy et Christophe !
Christian VIGREUX