Baltique 2014, épisode 6 : Göta Kanal "historique"
Lundi 23 juin : Dernière journée sportivo-culturelle à Trollhättan : ce matin, nous partons à vélo pour visiter le musée du canal, qui ouvre ses portes après la pose hivernale, puis la centrale hydro-électrique toute proche ; l’après-midi sera consacrée à une dernière visite à Trollhättan, qui a perdu ses allures de ville fantôme. A 10h05, le conservateur du musée nous accueille avec beaucoup de chaleur et de gentillesse : nous sommes manifestement ses premiers visiteurs de l’année. Un petit film (en anglais) nous raconte l’histoire du canal et de la construction des écluses, puis nous nous promenons à travers la collection de maquettes, de photos et d’outils originaux utilisés dans les différentes phases de construction. A la sortie du musée, nous nous dirigeons vers la centrale de Olidan, qui se fond dans un décor de rochers et de forêts ; c’est la première centrale hydro-électrique du pays, ouverte en 1910 et toujours en fonctionnement à l’heure actuelle (l’électricité produite en Suède aujourd’hui est majoritairement d’origine hydraulique). Nous admirons le bassin de retenue, le dispositif d’élimination de la glace, la salle des turbines qui ronronne doucement, la grue au bout du chemin de fer en amont de la centrale qui descendait jadis les pièces les plus lourdes au niveau des turbines … et, au passage, le paysage qui nous entoure. La domestication des « chutes du diable » a révolutionné l’histoire de toute la région du Lac Vänern, et fait de Trollhättan un grand centre industriel ; entre autres, cette ville est le berceau de la firme Saab, dont les anciennes usines sont aujourd’hui occupées par divers musées ; ces chutes méritent bien qu’on les fasse revivre de temps en temps.
Mardi 24 juin : Départ un peu avant 9h pour Vänersborg, la ville où se termine le canal de Trollhätte. Quelques ponts à passer, et surtout la dernière écluse que nous négocions en « pro », et nous voilà sur le bord du lac Vänern vers midi. Après-midi repos/shopping sous un soleil de plomb.
Mercredi 25 juin : Nous entamons la traversée du lac Vänern, le plus grand lac de Suède (le 3ième plus grand d’Europe) sous le soleil, et au moteur. Après 10 miles, nous commençons à louvoyer vers notre destination, mais la qualité des bords souffre de la faiblesse du vent ; déçus, nous enroulons le génois, jusqu’à ce que le vent adonne et forcisse un peu ; nous redéroulons le génois et partons au près, tandis que le vent continue à adonner et que nous nous retrouvons au grand largue… puis sans vent. Nous affalons tout. Il ne nous reste plus qu’à traverser un gros tas de cailloux, via 7 miles de chenaux balisés de petits piquets rouges et verts, pour aller nous amarrer face au splendide château de Lackö en fin d’après midi.
Jeudi 26 juin : Curieux, nous entamons la journée par la visite de cet énorme château blanc, considéré comme un des plus beaux de Suède, niché au sommet d’une presqu’île rocheuse parmi les oiseaux. La guide nous raconte l’histoire de cette forteresse militaire offerte par la couronne de Suède à un comte au 17ième siècle, et transformée en « résidence secondaire » par son fils qui deviendra un des ministres les plus influents du pays ; chaque pièce visitée sera le prétexte d’anecdotes où elle évoque avec beaucoup d’humour la mentalité et les coutumes de l’époque, et le style de vie luxueux du comte et de sa famille. Nous repartons en début d’après-midi pour Mariestad, quelques tas de cailloux plus loin. Nous apercevons de loin la tour très pointue de la cathédrale, mais sur l’eau, le chemin le plus sage n’est pas toujours la ligne droite.
Vendredi 27 juin : Pour la première fois depuis notre départ de Wolphaartsdijk, nous nous éveillons sous un ciel gris et bouché (jusqu’ici, nous n’avions été surpris çà et là par quelques averses, soit de courte durée, soit nocturnes). La journée se passera sous le signe de l’eau ; nous profitons de quelques éclaircies pour découvrir la ville, assez agréable ; le temps d’une averse, nous admirons la cathédrale où répète le groupe qui participera ce soir au festival de musique de chambre. La fin d’après midi s’éclaircit un peu, mais la pluie reprend de plus belle pour la nuit.
Samedi 28 juin : Nous en avions rêvé depuis longtemps, nous avions commencé à préparer un projet concret l’année passée… et nous y voilà ! En début d’après midi, Shenandoah arbore fièrement le laisser passer bleu des bateaux qui traversent le « Göta Kanal » d’ouest en est, et nous avons passé sa première écluse : nous voici dans la cour des grands. Evidemment, dans notre imagination, nous franchissions la grande porte de bois en tee-shirt, sous un soleil radieux… et pas sous une pluie persistante, après 10 milles de navigation qui avait mis nos cirés (et notre confort) à rude épreuve. Il ne pleuvra qu’une seule fois aujourd’hui, au moins de 8h à 22h à notre connaissance. Mais qu’importe… Contrairement au canal de Trollhätte qui accueille des cargos de 89m de long et 13m de large, le canal du Göta n’a plus qu’une vocation touristique, reflétée par la taille de ses écluses qui ne dépasse pas 30m de long et 7m de large, avec une dénivellation d’environ 3m comparée aux 8m des écluses de Trollhättan. L’éclusier qui prend nos amarres à Sjötorp est plein de gentillesse, et nous explique « la procédure », amarrage court frappé à l’arrière, longue amarre frappée loin à l’avant, déviée par le taquet avant jusqu’au winch ; au fur et à mesure de la montée des eaux, il suffit de reprendre l’amarre avant au winch. Il précise aussi que, pour l’écluse suivante, un(e) équipier(ère) devra descendre à quai pour gérer tout ça nous même. Nous nous arrêtons à la marina, au pied de la deuxième écluse.
Dimanche 29 juin : A notre lever, le ciel est toujours gris, mais ne nous tombe plus sur la tête. Après avoir observé quelques passages d’écluses (question de parfaire nos connaissances pour demain), nous visitons le musée du canal (bien sûr, le canal du Göta a aussi son musée) et faisons le tour de la ville (un café, deux restos, une poissonnerie qui ne vend que du poisson fumé et quelques boutiques d’objets artisanaux). Pour cet après midi, nous avons acheté un paquet de bois et réservé le sauna, une cabane en bois logée au bout d’un ponton au milieu du port. Guy allume le feu comme un pro, et, à notre surprise, nous obtenons une bonne température en 10-15 minutes ; notre refroidissement est assuré par une échelle qui descend du ponton dans l’eau du port (c'est-à-dire l’eau du lac)… et nous nous laissons sécher au soleil (mais oui, il se montre enfin) avant le sauna suivant. Une expérience que nous avons bien l’intention de renouveler, d’autant que notre paquet de bois est loin d’être épuisé !
Baltique 2014, épisode 7 : D'écluse en écluse...
Lundi 30 juin : 9h : Shenandoah se présente devant la deuxième écluse du canal, à Sjötorp ; bien entendu, les amarres sont organisées selon « la procédure » et nous avons mis au point notre stratégie que nous exécutons à la perfection. L’équipière et sa gaffe descendent sur le petit ponton au pied de l’écluse et montent sur le quai ; le capitaine fait passer au bateau la porte aval ; l’équipière saisit du bout de sa gaffe les amarres que lui tend le capitaine et les frappe autour des anneaux de quai ; le capitaine les frappe au taquet et au winch (électrique) ; la jeune et jolie éclusière a déjà discrètement fermé la porte aval, et ouvre les vannes ; l’écluse se transforme en chaudron bouillonnant et écumant et l’eau monte; le bateau serait secoué comme un prunier si le capitaine ne ramenait pas l’amarre avant d’un doigt expert ; lorsque les remous prennent fin, l’éclusière ouvre la porte amont, et l’équipière détache les amarres des anneaux et monte sur la bateau avant qu’il ne s’écarte trop du quai (sauf si la porte amont est aussi la porte aval de l’écluse suivante, ce qui est le cas ; l’équipière et sa gaffe se dirigent immédiatement sur le quai suivant). Du quai de la troisième écluse, on aperçoit à 200m les deux écluses suivantes. Après 5 heures, 18 écluses, 47,8 m de dénivelé, et une série de ponts, l’éclusière de Hasjtorps nous informe que c’est la dernière écluse « montante ». Nous passons le dernier pont et nous arrêtons à la marina de Hasjtorp qui dispose d’un café, une boutique d’objets artisanaux, un bloc sanitaire et … un sauna : une occasion de faire bon usage de notre provision de bois et détendre nos muscles.
Mardi 1er juillet : Après Hasjdorp, nous faisons une brève escale à la ville de Toreboda pour faire quelques provisions au supermarché. Après Toreboda, le canal se rétrécit et plonge dans une forêt épaisse : le paysage est magique... Mais aux abords d’une courbe, nous entendons un signal d’avertissement (5 coups de corne courts), et voyons les bateaux qui nous précèdent faire demi-tour ou marche arrière ; nous suivons le mouvement, et retournons à un endroit plus large. Le « Sandön », un bateau à passager traditionnel, à peine plus étroit que le canal à cet endroit, vient en sens inverse. Les bateaux à passager qui naviguent sur le canal ont la longueur et la largeur maximales permises par les écluses, et certains croisements sont difficiles ; malheureusement, ils n’utilisent pas leur émetteur AIS, qui permettrait aux autres usagers de les voir venir de loin. Après le passage du Sandön, nous reprenons notre progression, et arrivons à Tatorp, devant les portes … d’une nouvelle écluse ; cette dernière écluse ne monte que de 30cm, et les portes se manœuvrent encore à la main ; le capitaine se propose pour fermer la porte aval. Après une pause repas à la marina de Tatorp, nous entamons la traversée du splendide lac Viken, au parcours biscornu. Le lac est émaillé d’une multitude de petites îles entièrement boisées. Sans les nombreuses balises qui bordent des chenaux très étroits, on ne saurait pas où passer ; mais le spectacle vaut le déplacement ! Au bout d’un petit canal, nous découvrons la plus vielle écluse du canal, à Forsvik, une petite ville industrielle désaffectée, devenue musée (malheureusement fermé). La marina se trouve à une centaine de mètres plus loin, dans un cadre idyllique. Nous nous arrêtons pour la nuit.
Mercredi 2 juillet : De Forsvik, nous rejoignons la ville de Karlsborg, puis entamons la traversée du lac Vattern, le deuxième plus grand de Suède. Ce lac tout en longueur est orienté nord/sud, mais nous le traversons d’est en ouest. Le soleil est au rendez-vous, nous nous adonnons au plaisir de la bronzette. Au milieu du lac, nous laissons dériver le bateau et allons nager chacun à notre tour. Le premier contact avec l’eau du lac est plutôt froid, mais j’arrive finalement à reprendre mon souffle et faire le tour du bateau. Après la baignade, un faible vent arrière nous suggère de dérouler le génois, et nous progressons à la vitesse de 2.5 nœuds en séchant au soleil. A l’approche de Motala, sur la rive ouest, nous roulons le génois et remettons le moteur pour rejoindre la marina.
Baltique 2014, épisode 8 : D'écluse en écluse, jusqu'au bébé
Jeudi 3 juillet : Les guides touristiques nous conseillent de ne pas manquer Vadstena, la première capitale de la Suède au moyen âge. Le bus nous dépose en face d’un assez beau château, par un temps gris, pluvieux et venteux. La visite dudit château semble s’imposer, mais nous sommes plutôt déçus : les visites guidées en anglais ne commencent que le week-end prochain ; seule une petite aile peut être visitée ; le premier étage est tellement peu éclairé qu’on ne voit presque rien ; le deuxième étage abrite un festival d’opéra tout l’été, pas question d’y pénétrer ; nous ne verrons que le troisième étage, qui contient quelques belles toiles et quelques beaux meubles, mais les rares explications en suédois ne nous éclairent pas sur leur origine. Le ciel s’éclaircit un peu, et nous nous dirigeons vers le quartier du cloître, et son église bâtie en 1430 : c’est ici que Sainte Brigitte a fondé l’ordre des Brigittines. Nous nous promenons aussi dans la ville médiévale avant de reprendre le bus pour Motala.
Vendredi 4 juillet : A partir de Motala, le canal s’enfonce dans les terres jusqu’au lac Boren ; après la visite de « l’exposition du canal » chaudement recommandée par notre guide nautique (deux cabanes en bois rouge abritant quelques outils, quelques photos, et les bustes des éminences du canal), nous avançons lentement en flottille derrière un bateau à passagers (dépassement radicalement déconseillé); la flottille ralentit de temps en temps pour attendre l’ouverture d’un pont. Nous arrivons à « l’ascenseur » de Borenshult (5 écluses) ; nous découvrons que la procédure « descendante » est plus dure que l’ascendante, car les amarres sont cette fois contrôlées à la main (et plus au winch) ; l’équipière franchit toujours les écluses à côté du bateau pour s’occuper des amarres ; elle a aujourd’hui revêtu sa tenue de beau temps (short et gilet de sécurité capelé au dessus d’un T-shirt spaghetti). La traversée du lac Boren, moins accidenté que les précédents, nous donne un peu d’air, cependant insuffisant pour gonfler les voiles. Nous reprenons ensuite le canal, qui serpente entre villas (souvent cossues) et petites agglomérations, tantôt sur un pont-canal, tantôt le long d’un lac très loin en aval. Nous approchons de Berg (2+2+7 écluses), et nous arrêtons à la marina en amont du plus célèbre « ascenseur » du canal. Notre forme à l’arrivée nous fait opter à la majorité pour un jour de repos à Berg.
Samedi 5 juillet : Grasse matinée, petit déjeuner à l’aise, shopping, lessives, baignade et barbecue au programme du jour. Il fait un temps radieux, la température dans le bateau atteint 30°. Pour la première fois depuis notre départ, l’animation autour des écluses et le long du lac bat son plein.
Dimanche 6 juillet : Dès 7h45, nous nous dirigeons vers le ponton d’attente des écluses « Carl-Johan », la principale attraction du canal, qui franchit un dénivelé de 18,8 m en 7 étages. Nous espérons faire partie de la première sassée, à 8h ; la prochaine ne sera normalement qu’à 10h30, pour laisser la place au trafic « montant ». Deux bateaux nous ont déjà devancés, et deux autres nous rejoignent rapidement. L’éclusière reçoit la permission de remplir deux écluses avant d’inverser le sens, et nous feront partie du second convoi. Le passage des 7 écluses (et des 12 suivantes) ressemble à de la routine. Notre voyage se poursuit par la traversée du lac Roxen, suivi d’une nouvelle partie canalisée, assez étroite, puis du lac Asplangen. Nous revêtons rapidement notre tenue de canicules (avec l’obligatoire gilet de sauvetage) ; les paysages que nous traversons sont de plus en plus beaux ; l’attente aux ponts et écluses nous permet de faire la connaissance des équipages des bateaux qui nous accompagnent, d’échanger nos expériences, et de plonger nous rafraîchir dans l’eau froide. Finalement, une dernière partie étroite et boisée nous emmène à la petite ville de Söderköping. La marina s’étend le long du canal, en pleine ville, et le quai est bordé de nombreux restaurants, cafés et magasins. Sur la rive opposée, de hautes falaises rocheuses abritent une forêt touffue et quelques cabanes de bois rouge. Nous nous amarrons pour deux nuits et nous joignons à la foule qui déambule sur le quai pour aller déguster la meilleure crème glacée du canal.
Lundi 7 juin : Nous nous promenons dans le centre historique de Söderköping, une ville médiévale entourée de douves et de petits ponts de bois blanc, parsemée d’espaces verts, de bâtiments anciens bien conservés (ou restaurés), et à l’ambiance estivale (comme Blankenberge en pleine saison).
Mardi 8 juin : Une courte étape nous conduit à Mem, au bord de la mer baltique. C’est la dernière partie de notre traversée de ce qui est loin d’être « un long canal tranquille », comme nous l’avions craint avant le départ ; les écluses et les ponts, les changements de paysage, les bavardages aux pontons, les étapes de charme ou de ville, les rencontres avec les traditionnels bateaux de passagers construits au début du siècle dernier ne nous ont pas laissé le temps de nous ennuyer une minute. Le temps est toujours ca(nal)niculaire, et nous plongeons nous rafraichir dès l’arrivée. Comme cerise sur le gâteau, nous avons reçu ce matin une merveilleuse nouvelle : Théo Joly a vu le jour à 9h03, il pèse 3,330 kg et mesure 51 cm, c’est le plus beau bébé du monde, et il est en pleine forme, comme sa maman Paulette et son papa Olivier. Nous sommes bien sûr impatients de faire la connaissance de notre nouveau petit fils, mais devrons nous contenter de photos et de Skype pendant deux mois. En attendant, nous faisons sauter le bouchon de la bouteille, rangée sur la quille depuis le départ et au frigo depuis hier soir, et nous nous régalons de bulles roses à la santé de Théo.
Episode 9:
Mercredi 9 juillet : Nous passons la dernière écluse du canal à 9h, et nous retrouvons en mer Baltique. A vol d’oiseau, Stockholm, notre prochaine destination, est à 74 miles nautiques au nord-est de notre position, mais à plus de les 100 mille sur l’eau. En avançant vers la mer, les îles se multiplient, escarpées, vertes, parsemées de petites cabanes ou grandes maisons nichées sur un rocher ou allongées au bord de l’eau ; il y en a tellement qu’on ne sait plus vraiment par où passer : un régal pour les yeux, mais pas pour le barreur qui doit slalomer dans des chenaux étroits. C’est ici que nous mesurons pleinement l’utilité de la cartographie à la barre, ainsi que des « routes recommandées » par les cartes marine ; le capitaine a patiemment transféré sur le GPS extérieur une route de 98 way-points, strictement fidèles aux « recommandations », qui devrait nous amener à mi-chemin de Stockholm. Nous croisons d’abord des bateaux à moteur qui s’enfoncent dans la baie à toute vitesse, et secouent Shenandoah comme un prunier ; puis des voiliers, qui viennent vers nous voiles en ciseaux … et oui, nous avons aujourd’hui un bon vent de NE (tiens, n’est-ce pas justement là qu’on va ?). Nous arrivons cependant à établir le foc pour quelques milles de près dans une partie du chenal ; c’est bon de sentir Shenandoah avancer à la voile, même si cela ne dure pas. En fin d’après-midi, le capitaine aperçoit une petite baie protégée des vents de NE, bordées de rochers lisses et roses, avec quelques arbres. Nous décidons de mouiller deux ancres (merci, Paul), comme c’est la coutume par ici : d’abord l’ancre avant ; puis l’équipière se met à l’eau (elle adore çà) ; le capitaine lui passe la grande défense plate, et y dépose délicatement l’ancre arrière (déjà fixée à la sangle de mouillage, bien sûr) ; l’équipière pousse le convoi jusqu’à une distance raisonnable du bateau et mouille ; le capitaine ramène la sangle et la fixe au taquet, puis, pour parfaire le travail, ramène un peu de chaine de l’ancre avant. Il ne nous reste plus qu’à déguster au soleil la margherita que nous sortons du frigo, en écoutant le chant des oiseaux ; le vent est complètement tombé, et tout est calme. Le bateau ne bougera pas de la nuit.
Jeudi 10 juillet : Dès notre premier réveil (6h), nous remontons les deux ancres, couvertes chacune d’un paquet de vase. Nous reprenons le slalom entre les îles, tandis que le pain cuit dans le four, et que le café passe. Les paysages sont semblables à ceux de hier et les chenaux toujours bien balisés selon le système « latéral » ; il faut cependant parfois chercher une balise, qui peut se trouver là où on ne l’attendait pas : la balise la plus « créative » est une cabane au bord de l’eau (probablement un sauna) peinte en trois bandes horizontales blanche, rouge, blanche ; il faut aussi revérifier sur les cartes le sens du balisage à chaque nœud de la toile d’araignée formée par les routes recommandées. Mais nous finissons par arriver au canal de Södertälje qui permet de rejoindre Stockholm par l’ouest. Après quelques heures d’attente en face de divers ponts, nous arrivons à la marina Vasa (en face du musée Vasa) à 19h45. Le capitaine du port nous attribue la dernière place, normalement réservée, mais pour un bateau qui n’arrivera que demain.
Vendredi 11 juillet : Nous pouvons garder notre place à la marina, que très peu de bateaux quittent dans la journée, tandis que beaucoup tentent en vain d’y entrer : nous avons de la chance. La journée commence par un peu d’entretient : comme l’eau de refroidissement du moteur ne semblait pas tourner rond, le capitaine débouche le coude de sortie ; nous testons la réparation, et le moteur crache joyeusement. Rassurés, nous nous dirigeons vers le musée Vasa, mais reculons devant la longueur de la file d’attente et la vingtaine d’autobus garés devant la porte. Notre visite de Stockholm commencera plutôt par le musée voisin « Nordiska » qui illustre les traditions et le modes de vie des suédois depuis le 16ième siècle ; un partie importante est consacrée au peuple Sami qui a gardé ses traditions ancestrales, et continue à élever le renne en Laponie.
Samedi 12 juillet : Nous nous baladons à Stockholm en commençant par « Gamla Stan » (la vielle ville), aux étroites ruelles bordées de maisons aux couleurs pastel et à l’ambiance sympathique. Nous admirons au passage le palais royal, le parlement, l’opéra et nous enfonçons dans le centre ville où se côtoient boutiques chics, cafés et restaurants.
Dimanche 13 juillet : Journée consacrée au musée Vasa où nous arrivons cette fois avant la foule ; bonne décision qui nous permet de déambuler à l’aise dans le musée, accéder facilement aux panneaux explicatifs, prendre des photos à notre gré, et participer à la première visite guidée. Ce bateau gigantesque, qui devait être le fleuron de la flotte militaire suédoise au début du 17ième siècle, richement décoré pour illustrer la puissance de la Suède et impressionner l’ennemi, a coulé au milieu du port de Stockholm, lors de sa sortie inaugurale en 1628, après moins d’un mille de navigation : les proportions du navire n’assuraient pas sa stabilité. Après 3 siècles, le bateau, conservé par la vase et les eaux saumâtres de la baltique, a été retrouvé au fond du port, renfloué, et soumis à une série de traitement qui doivent assurer sa conservation future. Le musée expose le bateau (original à 98 %), remet son histoire dans le contexte politique de l’époque, et explique les procédures de conservation et renflouement, et les travaux de recherche associés toujours en cours. Nous avons été très impressionnés par cette visite, à recommander!
Episode 10
Lundi 14 juillet : Nous partons à la découverte de l’archipel de Stockholm, considéré parfois comme le paradis de la voile. D’ailleurs, notre destination d’aujourd’hui s’appelle « Paradiset », le plus beau mouillage de l’archipel, au pied de l’île de Finnhamn, au nord-est de la capitale. Et le vent vient du sud-est ! A la sortie du chenal de Stockholm, nous hissons les voiles, et nous laissons porter par le vent. Bien entendu, nous naviguons toujours entre les îles, en zig-zag, et devons régler les voiles à chaque nouveau bord. Nous découvrons aussi que le vent varie constamment en force (de 4 à 22 nœuds en quelques minutes) et en direction (à cause du relief). Mais, à part un grand bord plein est (où nous n’osons pas louvoyer dans la caillasse), nous rejoindrons notre destination à la voile. Les guides n’ont pas menti, la grande baie où nous atterrissons est splendide et des dizaines de bateaux sont soit mouillés sur ancre arrière et amarrés aux arbres surplombant les rochers (avec des amarres doubles ou triples), soit simplement mouillés sur l’ancre avant : nous choisissons la deuxième solution.
Mardi 15 juillet : Le soleil brille déjà à notre petit lever, et le bain de mer avant le petit déjeuner est un délice. Après nous être faufilés entre quelques centaines d’îles plus belles les unes que les autres, nous sommes curieux d’en explorer une « de l’intérieur ». Finnham fait partie de la « skägardsstiftelsen » (fondation de l’archipel) qui achète les îles pour en conserver les valeurs naturelles et écologiques et y promouvoir le tourisme. Nous gonflons le zodiac et rejoignons la rive la plus proche à la rame, puis empruntons un chemin qui serpente à travers les bois et les prairies, ou le long de la côte aux rochers lisses ; partout, le spectacle est incroyable. Le chemin nous mène au « centre touristique » de l’île : le ponton d’arrivée du bac, une toute petite superette et un restaurant (délicieuse cuisine locale) dont la terrasse panoramique permet d’admirer les îlots environnants. En rentrant au bateau, au début de l’après midi, nous croisons quelques nuages qui déversent de temps en temps une petite averse sur l’île, vite séchée par le retour du soleil. Ceci n’empêchera ni la baignade, ni le repos sur le pont.
Mercredi 16 juillet : Nous quittons notre petit paradis pour Sandhamn, le « Cowes suédois ». Après les deux premières chicanes de la route, nous hissons les voiles, que nous pourrons garder jusqu’à l’entrée du port. Bien entendu, notre allure entre les rochers varie du près serré au vent arrière, et la force du vent oscille constamment entre 6 et 22 nœuds. Nous arrivons devant le port de Sandhamn vers 11h, suivi ou précédés par une vingtaine d’autre bateaux, voiliers ou moteurs, et de toutes tailles. Tout ce petit monde fait des ronds dans l’eau, tandis qu’un employé du port commence à distribuer les places disponibles ; son zodiac se trouve rapidement au centre de la mêlée. Finalement, il nous attribue une place juste en face du célèbre Royal Yacht Club, et une des ses collègues nous aide à amarrer sur coffre arrière, perpendiculaire au ponton. Nous sommes donc aux premières loges pour entendre le coup de canon de 8h (le lever du soleil nautique) qui appelle tous les skippers sur le pont pour établir leur pavillon national, et celui de 21h (le coucher de soleil nautique) qui permet de rouler le pavillon ; sans ces indications, les nuits des skippers seraient bien courtes… Dans l’après midi, nous découvrons que le club possède un sauna chauffé au feu de bois, au bord de la mer, sur l’île voisine de Lökholmen, accessible par la navette du club. Nous allons tester la température du sauna, puis celle de la mer… que c’est bon. Nous rentrons découvrir la ville (deux boutiques de vêtements nautiques, deux restaurants, plusieurs cafés, quelques snacks sur le quai et une petite supérette), et surtout repérer le boulanger. L’ambiance se déchaine en début de soirée, un groupe donne un concert en plein air dans un des cafés locaux, et tout le village profite de la musique.
Jeudi 17 juillet : Après un petit déjeuner de viennoiseries locales, la matinée est consacrée au repos, et à la mise au point du programme des prochains jours. Après un rapide lunch (pain au cumin et à l’anis, une spécialité du coin), nous partons découvrir l’île de Lökholmen. Elle abrite une petite marina très calme, au milieu des pins et des rochers ; quel contraste avec la marina de Sandhamn ! Nous nous promenons dans les bois, montons à la tour fortifiée qui couronne l’île, d’où on a bien entendu une vue sur tous les environs de Sandhamn. L’après midi se termine au sauna, avant de reprendre le bac.
Vendredi 18 juillet : Nous quittons Sandham pour Utö, une autre île « à ne pas manquer » ; le port est blotti entre deux îles, reliées par un petit pont en bois ; un large ponton en fait le tour, et les bateaux y sont amarrés perpendiculairement, côte à côte, sur une ancre arrière. Malheureusement, à notre arrivée, vers 15h, la marina est pleine à craquer ; après deux tours infructueux des pontons, nous décidons d’aller voir ailleurs, mais, au dernier moment, notre attention est attirée par un skipper qui ramène son ancre : demi-tour, nous sommes en compétition avec deux nouveaux arrivants qui ont aussi observé la manœuvre : grâce aux réflexes du capitaine, nous sommes les premiers en face de la place qui vient de se libérer ; nous mouillons l’ancre arrière, et le moteur nous pousse avec peine jusqu’au ponton, à travers un gros tas de vase. Une petite promenade jusqu’au sommet de l’île nous amène à une ancienne carrière de minerais de fer, et à un joli moulin d’où on a une vue superbe sur l’archipel environnant. Après une douche bien méritée, le capitaine met sur le barbecue la viande marinée selon sa recette secrète, et nous la dégusterons sur le pont au soleil couchant.
Samedi 19 juillet : Nous disons au revoir à l’archipel de Stockholm, notre prochaine étape est Nynashamn, une ville du « continent » à l’extrême sud de l’archipel. Le long du trajet, les îles se raréfient, ainsi que les maisons de week-end, reconnaissables à leur très haut mat blanc où flotte fièrement le pavillon suédois (ou mieux, la flamme), et à la petite cabane de bois au bord de l’eau, peinte en rouge brique, dont la cheminée indique qu’il s’agit d’un « bastu ». Après 3h de navigation par calme plat, nous nous amarrons en face d’un ancien village de pêcheur transformé en village touristique, où restaurants, bars, glaciers et magasins divers côtoient les installations du port de Nynashamn, classé premier dans le guide officiel des marinas suédoises. Nous irons goûter ce soir dans un des restaurants du quai le « saumon fumé à chaud », une spécialité locale que nous apprécions tous les deux, puis terminerons la soirée sur le pont du bateau voisin à écouter la musique live d’un des cafés du quai.