Ramener par la mer un bateau âgé de plus de trente ans qui a séjourné à terre pendant plus de 7 années ne semblait pas si évident que cela.
Le récit qui suit va confirmer cette appréhension initiale…
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Pour mémoire, Schnaps est un Fisher 34 de 1976 régulièrement et parfaitement entretenu par son précédent propriétaire et équipé d’un moteur très récent (56 heures).
Juste avant la signature du contrat de vente, de gros travaux de maintenance et de remise à niveau avaient été effectués sur le moteur et ses périphériques, le réservoir de fuel ayant été vidangé et nettoyé. A priori, pas de souci de ce côté-là, d’autant que j’avais eu à deux reprises le mécanicien au téléphone, qui m’avait décrit son intervention.
Equipement et préparation de Schnaps pour son « rapatriement »
Remplacement des drisses par des messagers. Changement de toutes les drisses par des neuves. Achat de nouvelles écoutes.
Vérification des voiles, en bon état, voire en très bon état pour certaines.
Nettoyage au Kärcher du pont, passavants et œuvres vives, envahis par du lichen et de la mousse ; le bateau était stocké à proximité d’une petite falaise arborée. Le Treadmaster qui se décollait par endroit a été retiré autant que possible.
Vérification (gonflage) de l’annexe, révision et remise en route du moteur HB de l’annexe (merci Erik !).
Nettoyage de l’intérieur qui a essentiellement souffert de l’humidité avec des traces de moisi sur la sellerie.
Nettoyage et assèchement des fonds : de l’eau s’était introduite soit par des fuites qui restent à déterminer, soit parce que le bateau était penché en avant et cette eau avait stagné dans les fonds. Une cinquantaine de litres d’eau saumâtre a été épongée…
Vérification et test de l’électronique installée : aussi surprenant que cela puisse paraître, après plus de 7 ans d’inactivité, tout fonctionne. Le radar, le sondeur et le GPS FURUNO reçoivent parfaitement. Seul l’anémomètre pose problème, la girouette indique bien le sens du vent mais les coupelles cassées ne donnent pas sa vitesse (élément indispensable quand on est dans une timonerie, mais on a fait sans…)
Installation provisoire d’un transpondeur (émetteur ET récepteur) AIS-GPS de marque MATSUTEC HP33A avec une antenne dédiée vissée (également de façon provisoire) sur le toit de la timonerie. On le verra, cet équipement a été plus que satisfaisant, vraiment indispensable…
Installation provisoire d’une VHF ASN/DSC Standard Horizon en lieu et place de l’ancien VHF SAILOR qui fonctionnait encore ! La nouvelle VHF, en plus de sa fonction DSC qui évite d’acheter la mallette de fusées, comprend en natif un récepteur AIS et un récepteur GPS, ce qui évite des branchements supplémentaires (un peu redondant avec le précédent en ce qui concerne le GPS, mais qui peut le plus peut le moins !...)
Installation d’un double allume-cigare branché sur l’existant et destiné à alimenter le PC et autres Iphones qui serviront de modem pour recevoir la météo en mer.
Sur le PC principal (un deuxième était prévu en cas de panne), différents programmes étaient installés dont ZYGRIB, parfait pour la météo, MaxSea Time Zéro Pro avec toutes les options (courants, GRIB, routage, etc.) et OPENCPN. Précédemment, je n'utilisais que ScanNav et un vieux Maxsea. Là, malgré mes manipulations à terre, il me faudra découvrir ces deux logiciels de navigation en situation...(on verra par la suite que le logiciel de navigation le plus "cher" dans le commerce n'a pas été à la hauteur de mes attentes durant cette navigation, même s'il a été très pratique pour préparer les nav' en tenant compte des courants et du vent)
Sur ce PC principal, en plus de notre position et de la route à suivre, le calcul en temps réel par OPENCPN du CPA des cibles AIS à proximité aura été un vrai « plus ».
Erik avait ramené son Ipad avec les cartes Navionics. Cette luxueuse redondance a été utile en permettant d’afficher la carte en détail sur un écran, en routier sur l’autre.
Achat de pinoches supplémentaires, des 3 fusées à main réglementaires (du fait de la VHF/DSC), trousse à pharmacie, remplacement des extincteurs, etc.
J’ai échangé plusieurs mails avec un spécialiste des moteurs diesel, trésorier des Marins de la Citadelle, Bruno DEKKERS que je remercie encore et qui m’a bien expliqué les différents risques de panne possible, les éléments à vérifier et les filtres à acheter en double, voire en triple. Ces achats de filtres n’ont pas été inutiles, loin de là…
Le BIB n’avait pas été révisé. Pour le remplacer provisoirement, on ne me proposait que des BIB non révisés, j’ai donc jugé suffisant de conserver celui du bateau. L’achat d’un BIB neuf se fera après les travaux, autant gagner du temps…
Seul problème, le pilote automatique était en panne et celui fourni par l’ancien propriétaire n’était pas encore installé. Idem pour le chauffage. Nous ferons donc le convoyage sans chauffage (pas trop dramatique normalement) et sans pilote automatique…
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Grutage et mise à l’eau…
Schnaps pèse environ 12 tonnes.
La grue du port de Crozon étant limitée à 9 tonnes, l’intervention d’un camion-grue de Camaret était nécessaire. L’opération n’a pas été simple.
Au bout de toutes ces années, deux des 6 étais qui soutenaient Schnaps avait fini par s’enfoncer. Impossible de passer dessous le lift pour lever le bateau et le ramener au camion-grue près de la cale de mise à l’eau…
Il a fallu ramener la grue, lever Schnaps, l’installer sur le lift, le ramener au bord de l’eau pour le gruter à nouveau.
Opération parfaitement réalisée par un professionnel qui de façon très sympathique m’a envoyé des photos à la fin des manœuvres….
Le moteur avait démarré au quart de tour, voilà qui confirmait que de ce côté je devais être tranquille (innocent que j'étais !)
L’équipage
J’avais prévu au départ un équipage de 4 personnes, 2 à la barre et en veille, 2 se reposant. Les circonstances étant ce qu’elles sont, nous ne nous sommes retrouvés qu’à trois.
Chiffre parfait, ce ternaire nous a permis de sacrifier la cabine avant pour y ranger sacs, amarres supplémentaires, caisses à outils et autres brols (comme diraient nos voisins belges).
Deux couchettes dans le carré, une autre dans la cabine latérale, la place était parfaite pour trois équipiers.
Les quarts se sont déroulés comme initialement prévus pour quatre : sur un rythme de deux heures, un à la barre avec un autre en veille à ses côtés (souvent en train de somnoler, en fait) et le troisième sur sa bannette en bas. Cela représentait 2 heures de barres pour 4 heures de repos, rythme malgré tout assez fatigant et personne ne trainait pour rejoindre sa bannette.
L’équipage :
- Erik, marin émérite, véritable McGyver, sans lui ce convoyage n’aurait pu se faire ;
- Bruno, toujours calme, navigue parfaitement en solitaire, président de l’association des Marins de la Citadelle ;
- Alain, l’heureux (à ce jour) propriétaire de Schnaps.
Erik
Alain
Bruno
Prise en main, le départ de Crozon…
Nous sommes arrivés la veille pour installer les drisses et les voiles après avoir démêlé les messagers, tout vérifier une dernière fois et installer l’électronique.
Comme le bateau avait été mis à l'eau la semaine précédente, nous ignorions tout de son comportement et de sa fiabilité en montant à bord...
La route du retour avait été établie selon différentes hypothèses avec MaxSea, en tenant compte des courants. Pour autant, même si cela était possible, je n’avais pas calculé le routage avec les GRIB téléchargés, il s’agit d’un fifty et les prévisions indiquaient du vent dans le pif (j’avais pourtant établi les polaires du Fisher 34 !).
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Très rapidement, j’ai constaté que MaxSea Time Zero Pro était une usine à gaz trop complexe à mon goût. J’ai donc rippé sur le logiciel libre et gratuit, OPENCPN avec lequel nous avons effectué tout le parcours. MSTZ sera désinstallé dès que possible…
A noter qu’à côté de tous ces équipements sujets à panne, Erik avait ramené son jeu de cartes marines (routières et détails) et s’est efforcé d’établir sur papier la route à chaque veille de départ.
De la même façon, Erik a tenu le livre de bord heure par heure (relayé quand il dormait) et couché sur papier un journal de bord au quotidien, qui nous permet maintenant de parfaitement resituer chaque évènement de cette petite épopée…
Le journal de bord tenu par Erik est consultable dans le chapitre suivant, il complète et précise les évènements non décrits dans ces quelques lignes…
Le trajet (prévu et réalisé)
Dans l’idéal, et comme Erik le souhaitait, il eût été préférable d’effectuer au préalable le trajet Crozon-Camaret pendant un WE avant le convoyage, histoire de tester le bateau et être bien placé pour passer le Chenal du Four.
Manque de temps et de disponibilités, nous sommes tous les trois encore dans la vie active et nos emplois du temps respectifs ne nous ont permis de libérer que la semaine du 1er mai.
Va donc pour un convoyage sur la semaine du 1er mai...
En renonçant à relâcher à Camaret, il restait deux possibilités :
Crozon- Cherbourg (pour refaire l’appoint de fuel, on ne connait pas la consommation du moteur), puis Cherbourg- Dunkerque ;
Crozon – Dunkerque en route directe et sans escale (hypothèse rapidement abandonnée because fuel et météo)
En plus de la nécessité (?) de faire du fuel à Cherbourg, la météo très changeante de cette semaine du 1er mai nous incitait à la prudence.
Se prendre du Force 6 à 7 en Nord Nord-Est, c'est-à-dire dans le pif, ne nous faisait pas vraiment envie. En jouant sur les horaires, tout en tenant compte des courants, nous avons pu bénéficier de deux fenêtres météo suffisantes.
Merci ZYGRIB !
Le plus gros temps que nous avons rencontré, c'est en quittant Cherbourg, nous avons subi du force 5 bien établi avec de fortes rafales, dans une mer hachée et courte. Pas une partie de plaisir, c’est certain (et dire qu’il y en a qui paient pour subir dans des manèges ce genre de shaker ! ).
La pluie, par brèves averses ou de façon continue sur la nuit, n'a pas été un problème du tout durant ce convoyage : un des nombreux avantages de la timonerie !
Les pannes et incidents
Le journal de bord tenu par Erik décrit avec humour tous les ennuis que l’on a rencontré, les voici recensés en quelques mots :
panne moteur la veille du départ, changement de filtre ;
difficultés à démarrer le jour du départ, alors que les batteries étaient sous chargeur toute la nuit ;
moteur en peine contre le courant, baisses de régime aléatoires, puis panne en pleins courants, au large du goulet de Brest, changement de filtre et de cap, on a décidé de relâcher à Brest pour réparer. A noter, le côté positif de cette panne : Schnaps a été accueilli par 5-6 dauphins (voir les photos) et a été photographié par un amateur qui a ensuite posté ses photos sur MarineTraffic.com. Prévenu par mon épouse toujours aussi efficace, nous avons pu apprécier durant notre navigation les clichés de Schnaps sous voiles.
Après de nombreux démontages et remontages, je ne remercierai jamais assez Erik, l’origine des pannes a été trouvée : le tuyau d’alimentation ramenant le fuel du réservoir au moteur était manifestement très encrassé, laissant passer peu de fuel et lâchant par moment des saletés qui obstruaient le filtre. Pas si évident que cela à trouver, car le fuel était propre et le moteur avait été entièrement révisé.
Malgré une nuit de recharge des batteries, l’absence de démarrage nous a amenés à suspecter le chargeur : achat d’une petite batterie (70Ah) et de pinces qui ont été très utiles pour démarrer le moteur…
Changement du tuyau d’évacuation des WC, quasiment bouché par le calcaire et d’autres excrétions… L’arrivée d’eau n’étant pas optimale, on rinçait la cuvette avec la douchette !
Une des roulettes permettant de faire coulisser facilement la porte de la timonerie avait décidé de se balader. C’était sans compter sur l’opiniâtreté d’Erik, qui n’a pas hésité en pleine mer à démonter l’ensemble pour la remettre, et cela à trois reprises… Et c’est sans parler des carreaux coulissants qu’Erik a remis en état, ni des plafonds nettoyés comme jamais, etc. Si le convoyage avait duré plus longtemps et si j’avais eu la présence d’esprit d’emmener plus d’outils, nul doute qu’Erik aurait quasiment remis Schnaps à neuf !
Les dates
Départ de Crozon, le lundi 28 avril 10h00 de Crozon, relâche à Brest pour travaux le soir vers 17h00 ;
Départ de Brest, le mercredi 30 avril 9h00 (grâce à la petite batterie de secours), arrivée à Cherbourg le lendemain 31 avril, à 20h00 ;
Départ de Cherbourg le 1er mai, 22h00. Deux nuits en mer, accostage à Dunkerque le 3 mai, vers 10h30
28/04
30/04
31/04
01/05
03/05
Crozon >
Brest
Brest >
Cherbourg
Cherbourg >
Dunkerque
Il y aurait encore beaucoup à dire….
Ce qui a bien marché :
Lebateau, étonnant de solidité après trente ans d’existence. Pas un grincement, ni une porte de coincée malgré la brafougne. Il n’a jamais tapé et pourtant l’étrave se dressait haut pour ensuite plonger dans ce flux de NNE. Je comprends mieux leur réputation et du coup (coût ?) leur prix élevé !
L’équipage. Pas un mot plus haut que l’autre, chacun a trouvé sa place et les quarts se sont mis en place de façon naturelle. Je ne sais comment les remercier pour ce sacré coup de main qu'a été ce convoyage...
Le transpondeur AIS, qui a permis à nos épouses de suivre notre périple en direct sur le site MarineTraffic.com, d’être « suivi » par le CROSS qui nous salué (c’est parfois rassurant d’être surveillé ) et aux cargos de bien anticiper leur route pour éviter toute collision (on longeait le rail montant).
Le moteur, un Nanni diesel 5.280he de 62cv. Ronronne comme une horloge une fois qu’il est bien alimenté en fuel propre…
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Ce qui a moins marché :
Le chargeur de quai, qui manifestement « décharge » les batteries.
L’alimentation en fuel qu’il a fallut shunter en posant un tuyau en parallèle, du réservoir au moteur.
Les toilettes/WC, (trop) petites à mon goût et dont le nettoyage n’était pas évident. Un futur chantier…
Bref, profitez maintenant des photos dans le diaporama, appréciez dans le chapitre suivant le style d’Erik qui a tenu son journal durant toute la traversée (sauf la dernière étape)…
Enjoy, she’s a Fisher 34 !!
Date de création : 29/06/2014 17:07
Dernière modification : 30/06/2014 08:56
Catégorie : Récits...
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